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Se préparer à l’impact?L’économie mondiale, tel un vaisseau spatial en orbite stable, décélère sous contrôle vigilant. Pour l’heure, les conditions restent favorables.
De la même manière que le centre de contrôle de Houston doit gérer très précisément la décélération d’un vaisseau spatial, afin de le maintenir en orbite terrestre sans que la gravité n’entraîne un crash, la Réserve fédérale est confrontée à la difficile tâche de ralentir l’économie juste suffisamment pour juguler l’inflation sans pour autant la précipiter en récession. Si le vaisseau spatial économique ralentit effectivement – et Houston profite du repli de l’inflation pour commencer à remettre des gaz, sous forme de baisse des taux, et ainsi tenter de stabiliser l’orbite – la question est de savoir s’il n’est pas trop tard. Autrement dit: les investisseurs devraient-ils se préparer à l’impact, la dynamique conjoncturelle baissière étant désormais trop forte pour être inversée?
Scénario de base: une décélération contrôlée
Notre scénario alternatif, qui entrevoyait une seconde vague d’inflation et un marché obligataire baissier, peut être largement écarté. La probabilité d’une récession, due aux effets retardés du resserrement monétaire passé et au repli des dépenses de consommation, a par contre augmenté, ce qui accroît le risque d’un marché boursier baissier. Pour autant, notre hypothèse de base reste celle d’une économie qui, telle un vaisseau spatial en décélération contrôlée, ralentira sans basculer en récession. Les pressions inflationnistes moindres devraient ouvrir la voie à des politiques monétaires plus accommodantes qui, à leur tour, soutiendraient une croissance économique régulière et des bénéfices solides. De quoi maintenir une toile de fond favorable aux actifs plus risqués, comme les actions.
Graphique 1: PMI Mondial dans l’Industrie et les Services (50 est le seuil entre expansion et contraction)
Source: Bloomberg
Le vaisseau spatial vole avec un seul moteur
La correction boursière d’août s’explique avant tout par la détérioration des données macroéconomiques, notamment dans l’activité manufacturière. L’indice PMI manufacturier mondial est retombé en territoire de contraction, à 49,5, après avoir frôlé des niveaux de récession durant près de deux ans. Cette faiblesse est en grande partie imputable à l’atonie des données européennes et chinoises. Heureusement, le secteur des services reste solide et montre même des signes d’amélioration. L’indice PMI des services a grimpé à 53,8, permettant à l’indice PMI composite de rester solidement ancré en territoire expansionniste, à 52,8 (graphique 1).
Si l’on examine les chiffres plus en détail, seuls 47% des pays affichent actuellement un indice PMI manufacturier en expansion (supérieur à 50), contre 38% en début d’année. A contrario, 100% des pays présentent un PMI des services en expansion. Partant, la croissance économique mondiale est principalement alimentée par la résilience du secteur des services. En d’autres termes, elle « vole avec un seul moteur », ce qui représente clairement une source de vulnérabilité.
Les prochains trimestres devraient voir l’activité mondiale ralentir, mais une récession être évitée. La croissance du PIB américain devrait baisser à 1,7% en 2025 (contre 2,5%), celle de la Chine à 4,5% (contre 4,8%) et celle de l’UE à 1,6% (contre 1%). La situation de la Chine reste particulièrement préoccupante en raison de la détérioration de son marché immobilier, de la faiblesse de sa consommation et de la contraction de sa masse monétaire. Pour compenser ces vents contraires et stabiliser la croissance, les autorités chinoises devront probablement mettre en œuvre d’importantes mesures de relance.
D’un point de vue cyclique, la dynamique économique actuelle est donc appelée à rester positive jusqu’au deuxième ou troisième trimestre de 2025.
Source: Bruellan calculations, Bloomberg
Les banques centrales pourraient enclencher l’autre moteur
Les progrès sur le front de l’inflation ont été marqués, la plupart des pays étant désormais proches ou en deçà de l’objectif de 2%. Le taux d’inflation américain est aujourd’hui de 2,5%, tandis que l’Allemagne est à 1,9%, la France à 1,8%, l’Italie à 1,1%, l’Espagne à 2,3%, la Suisse à 1,1% et la Chine même en déflation.
En conséquence, 16 des 35 principales banques centrales du monde – dont celles des États-Unis, de la zone euro, de la Suisse, de la Suède, du Danemark et de la Grande-Bretagne – a ont déjà adopté une posture plus accommodante cette année, une tendance qui devrait se poursuivre en 2025 (graphique 2). Historiquement, les baisses de taux des banques centrales tendent à être suivies d’une remontée de l’indice PMI manufacturier, ce qui suggère que l’assouplissement monétaire pourrait aider à relancer la croissance dans le secteur manufacturier si malmené.
Une participation élargie à la croissance bénéficiaire
La saison des résultats du deuxième trimestre a dépassé les attentes, pourtant déjà élevées, avec une croissance du bénéfice par action (BPA) de 9% aux États-Unis. Toutefois, le principal enseignement de cette saison bénéficiaire est l’élargissement de la participation à la croissance. C’est en effet la première fois depuis un an que la croissance des bénéfices a été positive (+4,6%) même en soustrayant la contribution des «7 magnifiques», les géants de la technologie. Au cours de chacune des précédentes saisons, l’indice S&P 500 avait enregistré une croissance négative des bénéfices hors «7 magnifiques».
Le troisième trimestre devrait voir cette tendance positive se poursuivre, dans la mesure où le ratio des entreprises relevant leurs prévisions est actuellement à son pic depuis début 2022, tandis que le nombre qui abaissent leurs prévisions reste inférieur à la moyenne.
Les perspectives en matière de BPA à 12 mois demeurent également favorables pour tous les principaux indices: Stoxx Europe 600, S&P 500, Nikkei 225 et MSCI AC Asia ex-Japan. Les valorisations semblent particulièrement intéressantes en Europe et en Asie hors Japon, avec des ratios cours/bénéfice (P/E) prévisionnels de 13,6x et 12,3x, respectivement. La valorisation du marché japonais est neutre (P/E de 18,7x), tandis que le marché américain paraît plus cher (21,2x). Cela dit, une grande partie de la surévaluation américaine provient des «7 magnifiques», l’indice S&P 500 équipondéré se négociant à un multiple plus attrayant de 17x.
Un vaisseau spatial en orbite stable
En conclusion, malgré de nombreux vents contraires – notamment l’affaiblissement des données manufacturières, le fléchissement de la consommation, l’augmentation des déficits et les défis posés par la Chine – les perspectives globales peuvent toujours être qualifiées de prudemment optimistes. La résilience du secteur des services continue de fournir une assise économique stable, tandis que l’adoption de politiques monétaires plus accommodantes à mesure que l’inflation se résorbe devrait contribuer à relancer la croissance du secteur manufacturier au cours des prochains mois. Bien qu’un ralentissement de la conjoncture mondiale soit à prévoir, une récession généralisée ne se profile pas. En outre, l’élargissement de la croissance bénéficiaire et l’abaissement des taux d’intérêt devraient continuer à étayer notre thèse constructive sur les actifs risqués, les actions notamment.
L’économie mondiale, tel un vaisseau spatial en orbite stable, décélère sous contrôle vigilant. Pour l’heure, les conditions restent favorables, mais Houston (alias la Réserve fédérale) est confronté à une tâche délicate: appliquer une poussée juste suffisante pour maintenir le vaisseau spatial en orbite. Cela afin d’éviter tant un plongeon en récession qu’une envolée dans le vide sidéral inflationniste.
Source : Allnews.
Actions européennes: conte de fée ou clap de fin?Comme dans tout bon conte, le lecteur doit être tenu en haleine. Depuis juin, on a assisté à une litanie de rebondissements sur les fronts politiques, géopolitiques et macroéconomiques.
Au cours du premier semestre, un scénario économique idéal a commencé à se mettre en place pour les bourses européennes, les surprises économiques positives alimentant une solide performance. Jusqu’à ce que des événements, notamment politiques, viennent bouleverser la donne. De quoi faire dérailler le conte que les investisseurs se racontaient et empêcher une fin heureuse?
BOUCLE D’OR ET LES TROIS OURS.
Il était une fois trois ours et une petite fille appelée Boucles d’or. Un jour, la petite fille vit une maison et y entra. Sur la table se trouvaient des bols de gruau. Elle goûta le grand bol et dit: «Cette bouillie est trop salée!» Elle goûta le bol moyen et dit: «Cette bouillie est trop sucrée!» Elle goûta le petit bol et a dit: «Ce gruau est parfait.» Et… le marché est monté!
Il n’est pas si ironique que le scénario économique préféré des investisseurs et des marchés financiers tire son nom d’un conte pour enfants. Après tout, les investisseurs aiment se raconter des histoires. Durant la première partie de cette année, le dosage des ingrédients du gruau semblait parfait: une croissance plus résiliente que prévu, une inflation décélérant comme anticipé, et donc un début de baisse des taux d’intérêt. Tout cela a permis au narratif «Goldilocks» de se poursuivre. Les actions européennes ont ainsi progressé de près de 9% sur les six premiers mois de 2024, portant le gain par rapport aux points bas de septembre 2022 à 35%.
Cependant, comme dans tout bon conte, le lecteur doit être tenu en haleine. Depuis juin, on a ainsi assisté à une litanie de rebondissements sur les fronts politiques, géopolitiques et macroéconomiques: la dissolution décidée par Emmanuel Macron, la tentative d’assassinat de Donald Trump, le retrait de Joe Biden au profit de Kamala Harris, l’intensification des conflits au Moyen-Orient, et les données en matière d’inflation et de croissance du PIB. Si la volatilité a refait son apparition, aucun de ces heurts n’a fait durablement varier le scénario en place. Au cœur de l’été, cependant, le doute s’est immiscé, suite à des chiffres de l’emploi et d’activité manufacturière moins bons que prévu. En trois séances, le spectre de la récession a resurgi, le «méchant» du conte a été trouvé en la personne de Jérôme Powell, et le scénario heureux s’est vu sérieusement chahuté.
Alors, approchons-nous désormais de la fin du cycle, avec une possible récession prochaine et l’absence de fin heureuse, ou sommes-nous toujours au milieu de la phase d’expansion conjoncturelle, avec encore du potentiel de croissance bénéficiaire et de revalorisation des multiples boursiers, notamment en Europe?
Si les dernières données macroéconomiques se sont avérées moins bonnes que prévu, les données microéconomiques sont, elles, plus satisfaisantes. Les résultats du deuxième trimestre ont atteint les attentes en Europe, et les ont même dépassées aux États-Unis. Surtout, ce trimestre a été le premier depuis début 2023 pour lequel les bénéfices des entreprises européennes ont affiché une croissance. Une amélioration qui pourrait même s’amplifier en deuxième partie d’année, étant donné les effets de base favorables. C’est la raison pour laquelle un certain nombre de projections de la part des dirigeants d’entreprises demeurent positives. Ce que l’on peut en revanche souligner, c’est la dichotomie entre les résultats des secteurs dits «défensifs» d’une part, meilleurs qu’attendus, et ceux des secteurs cycliques, plus faibles.
Les résultats du deuxième trimestre ont atteint les attentes en Europe et affiché une croissance positive pour la première fois depuis début 2023
Source: Bloomberg, JP Morgan
En début d’année, nous tablions sur une progression des indices européens avec des épisodes de volatilité accrue, liés notamment au calendrier politique et aux risques d’erreurs des banquiers centraux. Partant, nous recommandions un positionnement prudent et constructif, privilégiant uniquement des actifs de qualité. Il nous semblait important de rééquilibrer l’exposition sectorielle, réduisant la part cyclique en faveur de secteurs plus défensifs, tant ces derniers avaient sous-performé depuis les points bas de 2022. Si le deuxième trimestre 2024 nous a donné tort, avec très peu de volatilité, il semblerait que cette dynamique soit désormais à l’œuvre. Face aux incertitudes actuelles, nous demeurons fidèles à cette stratégie initiale, tout en étant encore plus sélectifs sur le «buy-on-dips»: uniquement des titres de qualité, dont la valorisation est inférieure aux moyennes de long terme, et en veillant à maintenir un équilibre entre cycliques et défensives.
Nous continuons de sélectionner des leaders dans leurs marchés, peu endettés, à l’image des entreprises familiales, et exposés à la croissance du PIB mondial, afin d’éviter les écueils domestiques qui affleurent parfois en Europe.
Et pour conclure sur une note optimiste, remémorons-nous les paroles de Freddie Mercury dans son célèbre The Show Must Go On: «Les contes de fées d’hier évoluent mais ne meurent jamais (…) Le spectacle doit continuer». Boucles d’or, disons-nous?
Source : Allnews
Hâte-toi lentementLe contexte s’améliore doucement pour l’économie suisse, même si cette année devrait voir la croissance s’inscrire en-deçà du potentiel de long terme.
Ce qui nous semble particulièrement positif, c’est la normalisation du niveau des stocks, voire, dans certains cas, leur niveau anormalement bas, propice à une reprise des entreprises plus cycliques en seconde partie d’année. Ce qui est surprenant en revanche, c’est que malgré un certain nombre de signaux encourageants et porteurs, les petites et moyennes capitalisations continuent d’être largement à la traîne.
Une croissance inférieure au potentiel: 2024 ressemble en tout point à une année de transition. Si l’économie helvétique a tenu jusqu’ici, malgré une conjoncture morose pour la plupart de ses partenaires européens, c’est grâce notamment à la résilience de la consommation privée, ainsi qu’à un secteur des services toujours robuste. Le second semestre pourrait cependant marquer le retour d’une dynamique positive pour les exportations et le secteur manufacturier, après de long mois d’errance. La raison de cette reprise graduelle est une évolution un peu plus favorable de la conjoncture européenne, qui semble avoir passé le creux de la vague après deux ans de faiblesse. Ne nous réjouissons pas trop vite néanmoins, car si les prémices d’une reprise se dessinent bel et bien, les capacités de production devraient rester malgré tout en-dessous de leur potentiel de long terme dans un environnement toujours marqué par un certain nombre de risques et de défis et par un coût du crédit élevé, hors de Suisse tout du moins. De fait, probablement soutenu par la récente baisse des taux, et pour la première fois depuis presque un an, le PIB helvétique a pu compter au 1er trimestre sur une impulsion positive des investissements en biens d’équipements (+0,8%), preuve que les entreprises sont désormais un peu plus optimistes quant à la situation conjoncturelle pour les prochains mois. Il n’en demeure pas moins que la croissance pour l’année en cours devrait être inférieure à la moyenne historique, espérée autour de +1,2%, hors effets positifs liés aux JO et à l’Euro de foot, et qu’il faudra attendre 2025 pour renouer avec un rythme plus soutenu et plus conforme au potentiel (au-dessus de 1,5%).
Une normalisation des stocks: L’indice des directeurs d’achat (PMI) qui mesure l’activité manufacturière du pays a pointé en juin pour le 18e mois consécutif en-dessous du seuil de croissance. Jamais dans l’histoire récente une récession manufacturière n’a été si longue. Si on additionne les écarts cumulés en-dessous de ce seuil fatidique de 50, alors seule la période de la grande crise financière de 2008 a dépassé la période actuelle en intensité (120 écarts cumulés contre 108 actuellement). Et pourtant, à y regarder de plus près, il y a malgré tout quelques motifs de réjouissance dans ces chiffres peu reluisants. Tout d’abord, depuis le point bas de juillet 2023, les données mensuelles se sont graduellement améliorées. Ensuite, si on analyse les sous-composants, on constate que non seulement les carnets de commandes sont en hausse (même si la donnée fraîchement publiée du mois de juin repart quelque peu à la baisse) mais le niveau des stocks semble aussi particulièrement bas (graphique ci-dessous). Selon la Banque nationale suisse (BNS), qui effectue chaque trimestre une enquête auprès des entreprises à travers tout le pays, un grand nombre d’entreprises industrielles semblent indiquer que le phénomène de déstockage a pris fin chez leurs clients, ce qui serait bien entendu de très bon augure pour l’évolution de la demande. Même constat du côté des entreprises que nous suivons, pour qui non seulement le niveau des inventaires s’est normalisé, mais est parfois même bien en-dessous de la moyenne, donnant lieu à un sursaut d’activité. Chez le spécialiste des techniques sanitaires Geberit par exemple, après des mois de déstockage, le 1er trimestre a vu les grossistes inverser la tendance et recommencer à constituer des stocks face à un niveau considéré comme anormalement bas. Pour pouvoir confirmer cette évolution positive, il faudra en revanche que cette reconstitution soit suivie d’une reprise ferme de la demande, sans quoi le cercle vicieux se remettra en marche.
Les carnets de commandes sont en hausse alors que le niveau des stocks semble particulièrement bas
La BNS en remet une couche: Alors qu’une majorité d’économistes pensait qu’elle ne bougerait pas avant septembre, la BNS a de nouveau pris le marché de court en abaissant ses taux de 0,25% lors de sa réunion du mois de juin. Le fait qu’il n’y ait quasiment pas d’effets de second tour visibles sur le renchérissement, à l’exception d’une hausse des loyers (+1% en trois mois et +3,4% sur un an) mais qui reste maîtrisable, a grandement aidé la BNS à prendre cette décision. Une croissance en-deçà du potentiel de long terme, aussi bien en Suisse qu’à l’étranger, a été un argument supplémentaire pour ne pas laisser des taux sur un niveau considéré comme restrictif. Mais ce qui a probablement fait pencher la balance pour une intervention avant l’été et emporté la décision, c’est la soudaine et forte appréciation du franc suisse depuis quatre semaines. Dans un contexte de fortes incertitudes politiques en Europe, le niveau de la monnaie en termes réels est à nouveau en territoire pénalisant pour les entreprises exportatrices, et plus particulièrement pour le secteur industriel déjà bien affaibli par la récession manufacturière qui sévit depuis plusieurs trimestres. Vu l’incertitude toujours très marquée quant à l’évolution de l’inflation à travers le monde, le travail d’équilibriste de l’institution monétaire helvétique n’est de loin pas terminé.
Les voyants sont au vert pour les petites et moyennes capitalisations et pourtant…: Cela fait déjà quelques mois qu’un certain nombre de paramètres essentiels au redémarrage des petites et moyennes capitalisations sont en place, mais cette classe d’actifs, aussi bien en Suisse qu’à l’étranger, continue de sous-performer le marché dans son ensemble. La corrélation entre les plus petites valeurs de la cote et les indices PMI est par exemple importante. Et quand bien même le niveau actuel de ces derniers indique toujours une contraction, on assiste depuis une année à une amélioration sensible de la situation manufacturière, ce qui devrait en théorie être favorable aux petites et moyennes capitalisations. Leur prime de valorisation est également bien en-dessous de la moyenne historique, ce qui constitue un autre facteur important pour une future surperformance. De plus, depuis les points bas d’octobre dernier, elles n’ont même pas rebondi plus fortement alors que, si l’on compare la performance de l’indice des petites et moyennes capitalisations (SPI Extra) à celui des grandes capitalisations (SMI ajusté des dividendes) depuis six ans, le delta est de plus de 50% en faveur du SMI. Jamais dans l’histoire de la bourse suisse une telle différence de performance en défaveur des valeurs secondaires n’a existé. Même la dépréciation de la monnaie helvétique en début d’année ne leur a pas profité, bien que leurs bénéfices soient généralement plus sensibles aux soubresauts du franc. Que manque-t-il à leur réveil, si même deux baisses de taux par la BNS n’ont pas eu d’effet ? Il semblerait qu’il faille plutôt chercher du côté des taux américains, puisque les petites et moyennes capitalisations suisses réagissent plus fortement à l’évolution des taux outre-Atlantique (graphique ci-dessous). Tant qu’il n’y aura pas davantage de visibilité quant à une future baisse des taux de la part de la Réserve Fédérale (Fed), il est fort à parier que cette classe d’actifs n’aura pas la faveur des investisseurs. Mais attention au retour de manivelle, car la croissance des bénéfices attendue pour cette année (de même que pour 2025 et 2026) est nettement plus importante du côté du SPI Extra que du SMI. Ainsi, en se basant sur les bénéfices de 2026, la valorisation des deux indices est identique (P/E de 15x) alors que les petites et moyennes capitalisations affichent typiquement une prime!
Les petites et moyennes valeurs suisses réagissent plus fortement à l’évolution des taux outre-Atlantique
Source : Allnews.
Actions Suisses : à la traîne des autres marchés, entre déception et espoirUn grand merci à la Syz Group et à Charles-Henry Monchau, CFA, CMT, CAIA d’avoir invité Anick Baud-Woodtli, notre spécialiste en actions suisses à participer au SYZ Club.
Sur le thème “Actions suisses: à la traîne des autres marchés, entre déception et espoir” elle a mis en lumière le potentiel prometteur des entreprises helvétiques après une période difficile
Les enjeux de la décarbonisationNous remercions chaleureusement HES-SO Valais-Wallis et Avenir Industrie Valais d’avoir invité Malek Dahmani, notre responsable de l’investissement durable, à la conférence sur la décarbonisation de l’industrie.
Aux côtés d’intervenants du monde académique et industriel, Malek a présenté les tendances majeures et les défis à relever dans le domaine de la décarbonisation pour les entreprises et les investisseurs.
Chez Bruellan Group, nous intégrons des principes de responsabilité sociale et environnementale dans nos fonds européens et suisses, en conformité avec l’article 8 SFDR.
La Suisse ouvre la voieLa BNS joue un rôle de pionnier vers une politique monétaire moins restrictive et garde un maximum de flexibilité face à un environnement qui comprend encore trop d’incertitudes.
Une inflation maîtrisée depuis de nombreux mois, une croissance en-dessous de son potentiel, une activité industrielle qui semble avoir passé le creux, un marché du travail qui montre des premiers signes de faiblesse: tel est l’environnement contrasté auquel est aujourd’hui confrontée la Suisse. On peut ajouter à ce tableau une devise qui, après avoir atteint des sommets en 2023, a lâché un peu de lest permettant aux exportateurs de mieux respirer. C’est dans ce contexte en demi-teinte que la BNS a décidé, contre toute attente et avant l’ensemble des grandes banques centrales, de commencer à baisser ses taux, ouvrant ainsi la voie à une politique monétaire moins restrictive.
LE CREUX CONJONCTUREL SEMBLE DERRIÈRE MAIS L’EMPLOI VACILLE
L’indice suisse des directeurs d’achats (PMI) vient de passer 14 mois en territoire de contraction. Si le dernier chiffre est très clairement toujours en-dessous du seuil de 50, on constate néanmoins quelques signes d’amélioration avec 4 mois consécutifs de hausse, laissant penser que le creux conjoncturel pourrait bien être derrière nous dans le secteur manufacturier. Les entrées de commande semblent mieux orientées et la composante production est, elle aussi, en nette hausse. L’amélioration de la situation sur le plan des stocks nous est d’ailleurs confirmée par les entreprises que nous rencontrons et qui estiment que les inventaires devraient être définitivement nettoyés dès la fin du premier semestre 2024.
Parmi les plus petites entreprises, le constat est même légèrement plus optimiste puisque la composante commandes a déjà dépassé le seuil de croissance. Ce qui est nouveau en revanche, c’est la récente faiblesse de la composante emploi. Alors que son niveau était resté élevé durant les deux dernières années, sur fond de pénurie de main d’œuvre, une lente normalisation s’observe désormais du fait de la baisse de la demande, et les entreprises sont aujourd’hui plus prudentes en ce qui concerne le marché du travail. Le fait que 17% des sociétés industrielles aient mis leurs effectifs en chômage partiel s’inscrit dans cette logique. Un chômage qui repart à la hausse pourrait bien avoir raison du moral des consommateurs et peser sur la consommation, pilier jusqu’ici de l’économie. Pour l’heure, le PMI des services demeure en territoire expansionniste, mais c’est évidemment une donnée à surveiller de très près.
QUAND L’ALLEMAGNE ÉTERNUE LA SUISSE NE S’ENRHUME PLUS
Les destins de la Suisse et de l’Allemagne ont longtemps été indissociables, l’économie suisse suivant et subissant les soubresauts de son grand voisin rhénan et premier partenaire commercial de très longue date. Il semble cependant que leurs chemins se soient, depuis la pandémie, légèrement distancés et pas uniquement parce que les Etats-Unis constituent aujourd’hui le premier importateur des biens et services suisses. Ainsi depuis 2020, le PIB helvétique a bien mieux résisté que celui de l’Allemagne grâce, d’une part, à la force de ses exportations pharmaceutiques et, d’autre part, au formidable soutien de la consommation privée. Le consommateur allemand, étranglé par une inflation trois fois supérieure, n’a pour sa part pas pu jouer le rôle d’amortisseur face à une activité industrielle en plein marasme. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a d’ailleurs très justement souligné l’écart de valeur ajoutée dans l’industrie entre les deux pays depuis 2014. Si on constate une évolution en tout point similaire jusqu’en 2018, l’écart s’est ensuite dramatiquement creusé. Tandis que la Suisse a vu cette valeur ajoutée pratiquement doubler en dix ans, la hausse n’est que de 10% pour l’Allemagne sur la même période.
En effet, les deux pays ont conduit des politiques industrielles extrêmement divergentes au cours de la dernière décennie. Si l’Allemagne a profité d’une monnaie faible et d’un coût énergétique très bas qui ne l’ont pas incitée à faire les restructurations nécessaires, le franc suisse s’est lui apprécié de 25% face à l’euro, obligeant ainsi les entreprises helvétiques à investir massivement dans l’innovation et à se restructurer en permanence pour rester agiles et flexibles. Mais quand bien même cette dichotomie est réelle, elle ne doit pas non plus être surinterprétée, et une Allemagne en meilleure santé serait non seulement une bonne nouvelle pour la Suisse mais aussi pour l’Union européenne dans son ensemble. Si le niveau des directeurs d’achat allemands reste largement déprimé, bien qu’en légère progression, les premiers signes positifs semblent venir eux de l’indice ZEW qui retrace le sentiment des investisseurs sur les perspectives économiques du pays. Il montre que les attentes conjoncturelles ont non seulement connu leur huitième mois consécutif de hausse, mais que l’Allemagne pourrait ainsi avoir passé le creux de la vague, ce qui reste toujours de bon augure pour l’économie suisse.
LA BNS FAIT LE PREMIER PAS
S’il y a bien un fait sur lequel les différents économistes s’accordaient juste avant la réunion de la Banque nationale suisse (BNS) en mars, c’est que cette dernière ne toucherait pas à ses taux avant le mois de juin. A la surprise générale, elle en a décidé autrement, agissant ainsi en pionnière par rapport aux autres grandes banques centrales, lesquelles craignent encore quelques sursauts du niveau de leur inflation. La BNS attendait, elle aussi, de effets de second tour en début d’année, qui auraient pu mettre un frein provisoire à la décélération des prix entamée il y a un an, mais ceux-ci se sont avérés plus modestes que redoutés. Tout au plus a-t-on pu constater une très légère augmentation des loyers induite par les deux hausses du taux de référence hypothécaire pour les contrats de bail en 2023, mais cet effet a été plus que compensé par d’autres facteurs.
Ce qui a également poussé la BNS à agir plus vite, c’est l’appréciation du franc suisse en termes réels en fin d’année dernière, qui a exercé une pression insupportable sur les exportateurs. Bien que ces derniers soient habitués à ce phénomène, c’est la rapidité de l’appréciation et la réduction du différentiel d’inflation avec les principaux partenaires commerciaux de la Suisse qui ont exigé un changement de politique monétaire rapide de la part de la BNS. Enfin, face à un taux de croissance du PIB qui demeure en-dessous de son potentiel de long terme et à un marché de l’emploi qui commence à montrer des premiers signes d’essoufflement, l’institution monétaire a voulu apporter un clair signe de soutien envers l’activité économique. Si l’on s’en tient aux attentes du marché, la BNS pourrait encore procéder à deux baisses de taux d’ici la fin de l’année et semble considérer le niveau de 1% comme synonyme de neutralité. Elle n’a en outre pas renoncé, comme certains l’imaginaient, au franc comme instrument de politique monétaire. Elle se dit prête à être active sur le marché des changes si le contexte l’exige, et garde ainsi un maximum de flexibilité face à un environnement qui comprend encore beaucoup trop d’incertitudes.
UNE BOUFFÉE D’AIR FRAIS POUR LES EXPORTATRICES ET POUR LES PETITES ET MOYENNES CAPITALISATIONS
En 2023 la force du franc suisse a eu un impact important sur les résultats des entreprises, une partie des bénéfices ayant été engloutis par des coûts en franc disproportionnés par rapport aux revenus réalisés localement. La faiblesse de la monnaie depuis le début de cette année apporte un peu de réconfort aux industries exportatrices et plus particulièrement aux plus petites entreprises qui ne peuvent pas toujours compenser par une production délocalisée. Ce coup de pouce bienvenu ne devrait pas être visible en première partie d’année, car les niveaux du dollar et de l’euro contre franc étaient plus élevés jusqu’en juillet 2023 qu’il ne le sont aujourd’hui, mais si la tendance persiste, alors l’impact sur les bénéfices des sociétés pourrait être important au deuxième semestre.
La monnaie helvétique n’ayant pas été étrangère à la performance en demi-teinte des actions suisses l’an dernier, cette bouffée d’air frais pourrait bien agir comme un accélérateur, surtout du côté des petites et moyennes capitalisations. D’autant plus que depuis 2018, à l’exception de l’année 2021, ces dernières ont accumulé un important retard par rapport au SMI. En effet, depuis juin 2018, le différentiel de performance du SPI Extra vis-à-vis du SMI dépasse 40%, une situation quasi inédite et qui renforce notre préférence pour cette classe d’actifs.
Source : Allnews.
L’optimisme économique l’emporte sur les attentes de baisse des taux d’intérêtSi les décisions des banques centrales de retarder les baisses de taux sont habituellement mal perçues des marchés, la situation actuelle est différente et plus constructive.
Un important risque en début d’année, outre les tensions géopolitiques, était le décalage qui prévalait entre les attentes de baisses des taux d’intérêt du marché et la posture plus prudente exprimée par les banquiers centraux. Le marché des futures prévoyait en effet près de sept baisses sur l’ensemble de l’année 2024, soit une réduction cumulée de 1,8%. Ces perspectives ont subi depuis lors un ajustement conséquent, les attentes ayant été ramenées à près de trois réductions, pour un total de 1%. Partant, le taux de dépôt américain projeté pour la fin de l’année est remonté de 3,7% à 4,5%. Dans la zone euro, les projections ont évolué de manière similaire, tant en matière d’ampleur que de fréquence des baisses de taux prévues.
On peut donc légitimement se demander pourquoi un tel recalibrage des attentes n’a pas ébranlé les marchés financiers. La réponse réside dans le sentiment que les baisses de taux sont retardées non pas en raison de prévisions inflationnistes exacerbées, mais du fait de l’amélioration conjoncturelle.
Graphique 1: Evolution des attentes des baisses de taux aux États-Unis (en %, haut) et nombre de baisses des taux attendues (bas) d’ici à décembre 2024
Dans notre dernière édition des perspectives trimestrielles, nous avions mis en évidence le sévère ralentissement de l’activité manufacturière, particulièrement en Europe, en suggérant qu’il touchait à sa fin et ouvrirait la voie à un nouveau cycle économique de quatre ans. De plus en plus d’éléments viennent étayer l’hypothèse qu’un point d’inflexion a effectivement été atteint. L’indice de la Fed de Philadelphie, un indicateur conjoncturel avancé, a été l’un des premiers à signaler le retour à la croissance, suivi de près par les améliorations des indices ISM des nouvelles commandes et de l’industrie manufacturière. Bien qu’ils ne soient pas encore tout à fait en territoire expansionniste, ces indicateurs attestent d’une nette amélioration.
A l’échelle mondiale, l’indice PMI des services est resté en territoire expansionniste depuis début 2023, le secteur manufacturier ayant rejoint cette tendance positive en février. Une analyse plus fine révèle un doublement du ratio des pays affichant une expansion manufacturière, passé de 22% aux deuxième et troisième trimestres 2023 à 50% aujourd’hui. La plus grande économie au monde, les États-Unis, a même vu un relèvement de ses prévisions de croissance du PIB pour 2024 de 0,6% à 2,1% au cours des trois derniers trimestres. Si les projections pour la zone euro restent plus modérées, à 0,5% pour 2024, nous anticipons des révisions à la hausse, compte tenu des habituels décalages économiques vis-à-vis des États-Unis.
En Chine, la réponse mesurée à la crise immobilière et les efforts déployés par les autorités pour revitaliser l’économie, en évitant les mesures de relance à grande échelle qui auraient pu entraîner une nouvelle dépréciation de la devise, commencent à générer des signes de stabilisation. Le récent passage à une croissance positive des exportations de la Corée du Sud et de Taïwan vers la Chine, après 18 mois de contraction, en est une illustration. Nous adoptons une position prudemment optimiste sur les perspectives de la région. La prochaine réunion du Politburo en avril devrait constituer un moment charnière pour la Chine, car des stratégies politiques importantes pour l’avenir du pays y seront définies.
Sur le front de l’inflation, les pressions se sont considérablement atténuées au cours des 20 derniers mois, que ce soit au niveau des matières premières, des producteurs et des consommateurs. La composante la plus tenace du renchérissement des prix à la consommation, en particulier l’indice des services comprenant des coûts tels que le logement et la croissance salariale, montre également des signes de ralentissement, bien que la situation en Europe soit moins nette sur le plan des salaires. Ramener l’inflation de 9% à près de 3% aux États-Unis (et de 10,6% à 2,8% dans la zone euro) a été la phase la plus simple. Parcourir le «dernier kilomètre» menant aux objectifs d’inflation s’avérera probablement plus difficile, sur fond de prévisions de croissance économique en hausse et de tensions accrues dans les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Conscientes de cette situation, les banques centrales choisissent de retarder les baisses de taux d’intérêt prévues et d’en modérer l’ampleur. Leur approche prudente, motivée par une croissance économique plus solide, est de loin préférable au double défi d’une récession et de pressions inflationnistes persistantes. Les investisseurs se sont déjà adaptés à cette perspective, les attentes des marchés étant désormais tout à fait alignées avec la rhétorique des banques centrales.
Le ratio cours/bénéfices à terme (P/E) mondial de 18,5x tendrait à suggérer que les bourses sont quelque peu surévaluées. Cela dit, l’anticipation d’une croissance économique plus forte signifie une amélioration potentielle de la croissance bénéficiaire au cours des prochains trimestres, ce qui soutient les marchés actions. Historiquement, le début d’un cycle économique va de pair avec une forte croissance des BPA (graphique 2).
D’un point de vue régional, le marché américain se négocie à un P/E élevé de 21x, contrastant avec le ratio plus attractif de 14x pour l’Europe. Cette surévaluation américaine est toutefois en grande partie imputable à quelques très grandes capitalisations, comme les «Magnificent Seven». En se fondant sur une version équipondérée du S&P 500, le P/E paraît bien plus raisonnable à 17x. Autrement dit, la valorisation du marché américain dans son ensemble n’est pas aussi tendue que ne le laisserait supposer la perspective biaisée due à la domination des méga-capitalisations. Nous maintenons donc une allocation régionale neutre.
Graphique 2: Bénéfices des entreprises américaines (par trimestre, an/an) par rapport au cycle économique (ISM manufacturier lissé)
Pour conclure, si les décisions des banques centrales de retarder les baisses de taux sont habituellement mal perçues des marchés, en particulier lorsque motivées par une inflation devenue incontrôlable, la situation actuelle est différente et bien plus constructive. La prudence des banques centrales s’explique par une conjoncture meilleure que prévu, reconnaissant aussi que la dernière phase du combat contre l’inflation est toujours la plus difficile. Bien que les marchés actions ne soient pas bon marché, la perspective d’une amélioration de la croissance bénéficiaire devrait les soutenir. Il sera donc primordial de considérer toute correction boursière (dont la probabilité augmente vu l’ampleur du rallye depuis les creux d’octobre 2023) comme une facette normale d’un marché haussier sain, plutôt que comme le signe précurseur d’un marché baissier. Et donc l’opportunité aussi de procéder à des investissements stratégiques.
Source : Allnews.
Bulle ou révolution de l’intelligence artificielle?L’industrie de l’IA suivra globalement un cycle similaire à celui d’internet à ses balbutiements: engouement très précoce, déception et restructuration.
Le battage médiatique autour de l’intelligence artificielle a été sans précédent au cours de l’année écoulée. Les bulles spéculatives ont tendance à aller et venir mais un facteur commun persiste toujours : une bulle a besoin d’une grande et belle histoire derrière elle. Dans le cas de l’intelligence artificielle, l’histoire est effectivement géniale et, contrairement à beaucoup d’autres, elle a un réel mérite. Cette situation est tout à fait différente de celle qui a prévalu au moment de la bulle Internet de la fin des années 1990, par exemple, où la plupart des titres dont le prix était élevé ne disposaient pas d’un véritable modèle d’entreprise.
Il n’est donc pas surprenant qu’un tel engouement se soit soldé par un effondrement spectaculaire. L’impression 3D était une autre petite bulle dont personne ne se souvient plus. Le jury n’a pas encore rendu son verdict sur les marchés des véhicules électriques et des cryptomonnaies. Le premier commence à montrer des signes d’absence de demande et de baisse de rentabilité, tandis que le second n’avait aucune valeur au départ.
Le marché de l’IA est différent, c’est certain. En tant qu’industrie émergente, il vise à résoudre un problème réel de gestion des données. Il serait peut-être plus raisonnable de parler d’apprentissage automatique et d’algorithmes formés plutôt que d’IA, car rien de tel n’existe à l’heure actuelle. Mais à des fins de marketing, l’IA en tant que terme général devrait suffire. Depuis des années, il est de plus en plus difficile de trier et d’interpréter la grande quantité de données que chacun d’entre nous crée chaque jour. Dans les premiers temps de l’informatique, ce n’était pas un problème car les petites quantités de données étaient facilement triées dans une base de données et rapidement accessibles par la suite.
Le plus dur commence maintenant, lorsque des entreprises comme Microsoft doivent commencer à s’attaquer au problème de la gestion des données dans diverses industries.
Mais à l’ère de la 4G/5G, de l’internet des objets et du «cloud computing», la connectivité accrue a fait exploser les quantités de données non structurées nouvellement créées. Les grandes entreprises technologiques investissent continuellement dans des centres de données, hébergeant leurs propres données et celles de leurs clients. Aujourd’hui, ils s’efforcent d’offrir à leurs clients des moyens simples et standardisés d’accéder à leurs données et de les interpréter.
Les grandes entreprises technologiques sont actuellement en mode d’investissement intensif, avec Microsoft et Meta en tête, suivis par de nombreux autres. La formation d’outils d’IA nécessite une grande quantité de puissance de calcul, ce qui crée de sérieux problèmes d’approvisionnement à court et moyen terme chez Nvidia et Taiwan Semiconductor. La demande est très forte et les prix sont très élevés en ce moment, il est donc facile de comprendre pourquoi les investisseurs sont si enthousiastes.
Après tout, l’extrapolation de ces types de taux de croissance avec des prix en hausse conduit facilement à des estimations du marché de l’IA valant des milliers de milliards. Les valorisations sont très élevées à l’heure actuelle, les plus grands acteurs valant plus que tous les marchés boursiers individuels en dehors des Etats-Unis. Cela n’augure rien de bon étant donné qu’un tel niveau d’évaluation ne laisse aucune place à l’erreur. D’un autre côté, Microsoft et Meta dominent le carnet de commandes et ont les poches pleines, de sorte qu’il est peu probable que nous assistions à des annulations de commandes. Ils continueront très probablement à installer toutes les puces Nvidia qu’ils peuvent obtenir dans leurs centres de données tout au long de cette année.
La question est de savoir si ces niveaux de commandes de puces sont vraiment durables. En tant qu’industrie émergente, l’IA nécessite des dépenses d’investissement massives au départ – c’est certain. Tout dépendra de la manière dont l’adoption des outils d’IA progressera dans les différentes industries. Après tout, ces investissements initiaux doivent être rentabilisés d’une manière ou d’une autre. Microsoft Copilot offre une bonne mesure de suivi puisqu’il est désormais proposé aux clients d’Azure Cloud. Compte tenu du battage médiatique autour de l’IA, la plupart des clients adopteront probablement ce service (avec des frais mensuels).
Le plus dur commence maintenant, lorsque des entreprises comme Microsoft doivent commencer à s’attaquer au problème de la gestion des données dans diverses industries. Toutes les industries et tous les secteurs sont mûrs pour bénéficier d’un accès et d’une interprétation plus faciles de leurs données afin d’accroître la productivité, mais il faut beaucoup de travail pour personnaliser les besoins individuels de chaque entreprise. C’est vraiment le plus grand point d’interrogation à l’heure actuelle lorsque nous essayons d’évaluer le degré de rationalité des attentes actuelles du marché de l’IA. On peut raisonnablement supposer que l’industrie de l’IA suivra globalement un cycle similaire à celui d’internet à ses balbutiements. C’est-à-dire un engouement très précoce suivi d’une déception et d’une restructuration. Il est évident que l’IA transformera et augmentera la productivité dans de nombreux secteurs à très long terme, mais il est probable que nous assisterons à une destruction créatrice à court terme, en particulier avec les niveaux de valorisation actuels.
Source : Allnews.
BAM European Family Enterprises – Lettre annuelle 2024Naviguer sur le Loch Ness : le mystère d’une éventuelle récession
Tout au long de l’année, nous avons eu l’étrange sensation de naviguer sur les eaux troubles du Loch Ness, où, dans le brouillard qui s’annonce, les investisseurs cherchaient, anxieux, la figure mythique de la récession. Pour l’instant, personne ne l’a encore vu, tout comme nous n’avons pas vu le krach du marché immobilier ou même la défaillance de l’ensemble du système financier. Alors finalement : Gloire au pivot qui s’annonce et aux commentaires accommodants des banquiers centraux !
Pour être objectif, ce n’est qu’au cours des dernières semaines de l’année que le marché a finalement donné tort à la majorité. Il faut se rappeler qu’il y a moins de 8 semaines, les marchés boursiers étaient sous pression, englués dans de mauvais indicateurs macroéconomiques et deux crises géopolitiques majeures. Il a suffi d’une baisse de l’inflation, de quelques insinuations de Jérôme Powell et d’une pincée de complaisance pour afficher des rendements solides en 2023 : en monnaie locale, le S&P500 a terminé l’année en hausse de 24,2 %, le Stoxx600 de 15,8 % et les obligations mondiales de plus de 8 %.
Le bulletin de 2023
Dans ce contexte, comment notre fonds s’est-il comporté pour sa première année de focalisation sur les entreprises familiales européennes ? Pour commencer, nous avons largement surpassé, de presque 5%, l’indice des actions européennes en 2023, avec une performance de 20,6 %. Cette performance a positionné le fonds dans le top 10% de sa catégorie d’investissement, selon Bloomberg. Nous avons surperformé à la fois les segments Value et Growth, en hausse respectivement de 15.6% et 16.1%. Nous y sommes parvenus malgré la présence de 40 % de petites et moyennes capitalisations dans le portefeuille, qui ont été à la traîne pour la deuxième année consécutive, affichant des rendements respectifs de
“seulement” 12,7 % et 14,2 %.
Notre portefeuille a conservé son architecture : une majorité d’entreprises familiales de qualité et en croissance, complétée tactiquement par des investissements opportunistes. Cette construction s’est avérée adéquate dans le contexte de l’année passée. Malgré le pessimisme du début de l’année, nous avons évité les pièges d’une trop grande prudence en sous-pondérant les secteurs défensifs (consommation de base, services publics, télécommunications), délaissés tout au long de l’année.
En termes de sélection de titres, quelques thèmes ont bien fonctionné : la croissance galopante des médicaments contre l’obésité (Novo Nordisk), le renforcement des capacités de défense des pays européens et de l’OTAN (Saab), le luxe absolu comme protection contre l’inflation (Hermès, Ferrari par l’intermédiaire d’Exor), les leaders des marchés critiques pour les tendances séculaires, comme la digitalisation, l’automatisation ou la durabilité (Atlas Copco, Inficon, Kardex, Alfa Laval). Nous avons également bénéficié de performances solides dans des secteurs qui ont connu des résultats moins difficiles qu’anticipé, par exemple De Longhi, leader mondial des machines à café.
Il est aussi important d’évoquer nos erreurs d’appréciation. Nous avons souffert des entreprises exposées – même de façon mineure – à la réouverture de la Chine (Barco, Carl Zeiss, Bureau Veritas) et avons clairement sous-estimé le delai du déstockage chez les fournisseurs de soins de santé, un secteur dans lequel nous nous sommes engagés trop tôt (Coloplast, Carl Zeiss).
Perspectives 2024
Alors que nous nous demandons si une récession aura un impact sur l’économie en 2024, la sensation de naviguer sur le Loch Ness persiste. Nous voyons plusieurs raisons d’adopter une approche prudente à court terme, au cas où le monstre apparaîtrait de manière surprenante. Cependant, comme nous sommes convaincus qu’il ne sera pas aussi effrayant qu’il en a l’air, nous préconisons d’acheter sur les replis quand ils se produiront, pour bénéficier d’un point d’entrée attractif.
Il est peu probable qu’un certain nombre de bonnes nouvelles se reproduisent en 2024. La décélération de l’inflation devrait ralentir, avec la menace persistante d’une résurgence. Les ménages et les entreprises devraient ressentir de plus en plus l’impact des taux d’intérêt élevés. En outre, la Banque centrale européenne (BCE) est déterminée à tempérer deux indicateurs clés directement liés aux ménages et aux entreprises : l’inflation des salaires et les marges bénéficiaires.
Compte tenu du paysage économique actuel, il est donc prudent de réévaluer l’exposition du portefeuille en augmentant les secteurs défensifs qui ont connu des difficultés au cours de l’année précédente. Des opportunités attrayantes peuvent être trouvées dans des secteurs résilients tels que l’alimentation et les soins de santé (diagnostics, sciences de la vie), qui ne sont plus affectés par les problèmes de vente liés à Covid.
Tout en maintenant notre stratégie “barbell”, nous pensons qu’il est également judicieux de conserver l’exposition aux segments de croissance, exposés à des tendances séculaires telles que l’efficacité énergétique, l’électrification ou l’automatisation industrielle, en particulier dans les petites et moyennes capitalisations. Dès les premiers signes de décélération des salaires et de baisse des marges bénéficiaires, la BCE devra réagir rapidement pour éviter une grave récession, surtout si l’on considère la situation difficile de certains pays, notamment l’Allemagne. Lorsque l’annonce de la baisse des taux se produira, les petites et moyennes capitalisations devraient rebondir rapidement, comme l’ont récemment démontré les mois d’octobre 2022 et de novembre 2023.
À plus long terme, les perspectives de croissance durable des champions familiaux européens demeurent robustes. Ces entreprises continuent d’accroître leurs avantages concurrentiels grâce à l’innovation et à leur stratégie à long terme. Elles ont démontré au fil des ans leur capacité à suivre les tendances séculaires qui se développent à l’échelle mondiale, bénéficiant ainsi d’une réserve continue de croissance. Elles sont ainsi moins dépendantes des aléas macroéconomiques du Vieux Continent. Nous sommes convaincus que cela se traduit par des rendements économiques et financiers supérieurs à la moyenne.
Nous conclurons cette lettre par quelques lignes qui résument assez bien la capacité, très humaine, de se faire peur :
“La créature s’est déportée, roulant et plongeant pendant une bonne minute, son corps ressemblant à celui d’une baleine, et l’eau cascadant et barattant comme un chaudron en ébullition. Mais bientôt, il disparaît dans une masse d’écume bouillonnante. Les deux spectateurs avouèrent qu’il y avait quelque chose d’étrange dans tout cela, car ils se rendaient compte qu’il ne s’agissait pas d’un habitant ordinaire des profondeurs, car, outre sa taille énorme, la bête, en faisant le dernier plongeon, a envoyé des vagues assez grandes pour avoir été provoquées par un bateau à vapeur”.
“Strange Spectacle In Loch Ness”, Campbell, 1933, The Inverness Courrier
Malek Dahmani
BAM European Family Enterprises
A condition que l’Allemagne ne s’enfonce pas dans une profonde récession, nous pensons que les choses ne se présentent pas si mal pour la Suisse à l’entame de 2024.
Il y a trois mois, si nous pensions que la Suisse échapperait bien à la récession, nous ne nous attendions tout de même pas à une croissance qui demeure aussi soutenue, compte tenu de la faiblesse du secteur manufacturier. Et tout en reconnaissant que la décélération de l’inflation était bien en marche, nous anticipions un petit regain en fin d’année – qui ne s’est pas produit. A condition que l’Allemagne ne s’enfonce pas dans une profonde récession, nous pensons que les choses ne se présentent pas si mal pour la Suisse à l’entame de 2024.
UNE PETITE LUMIÈRE AU BOUT DU TUNNEL
La Suisse vit depuis pratiquement un an ce que l’on appelle une récession manufacturière. En effet, l’indicateur des directeurs d’achat (PMI) a pointé pendant 12 mois consécutifs en-dessous du seuil de croissance de 50, frôlant même l’été dernier un niveau qui n’avait plus été expérimenté depuis la crise financière de 2008. Les récentes données ne peuvent pas encore être qualifiées de véritable retournement de tendance, mais il y a malgré tout quelques infimes motifs de réjouissance. On note par exemple une légère amélioration des composantes «carnets de commande» et «production», ce qui permet d’espérer que, pour les entreprises industrielles, le pire soit désormais derrière. Le «nettoyage» des inventaires trop élevés aura duré bien plus longtemps que prévu, mais il semble aujourd’hui, à l’exception de quelques activités bien spécifiques, que la situation se soit enfin normalisée et que la demande, certes timide, fasse son retour. Et puis, contrairement à ce que certains craignaient pendant l’été, le PMI des services affiche quant à lui toujours une belle résistance. Avec une valeur supérieure à 50 pour le cinquième mois consécutif, il témoigne de la résilience de l’économie domestique et de la vigueur du consommateur, réjouissante et surprenante dans ce contexte morose.
Graphique 1: La composante «carnets de commande» du PMI s’est améliorée depuis le point bas de l’été 2023
TOUS LES REGARDS BRAQUÉS SUR L’ALLEMAGNE
Depuis des mois maintenant, lorsqu’on parle d’économie mondiale (et plus particulièrement européenne), le mot récession est brandi comme une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. La menace ne s’est à ce jour pas encore matérialisée et est même constamment repoussée dans le temps. La conjoncture suisse continue de résister, et ce malgré sa grande ouverture sur l’extérieur et la faiblesse de la production manufacturière. La croissance du PIB au 3ème trimestre s’est d’ailleurs avérée plutôt une belle surprise, avec une progression, corrigée des effets positifs liés aux événements sportifs de 2022, de 0,9%. Une fois de plus, et cela n’étonnera personne, la consommation privée a joué le rôle d’amortisseur et largement compensé la faiblesse des investissements et de la production. Pour 2024, nous continuons de penser que la Suisse évitera la récession, mais sa vigueur conjoncturelle dépendra largement de la santé économique de ses principaux partenaires commerciaux, et en particulier de l’Allemagne. Le plus grand pays de l’Union Européenne (UE) traverse en effet une crise sans précédent, avec des répercussions sur les entreprises helvétiques, plus spécifiquement celles liées à l’industrie et à la construction, qui pourraient in fine peser sur la croissance du pays et inverser l’amorce d’un retournement de tendance. Dire que le sort de l’Allemagne scellera celui de la Suisse l’an prochain serait exagéré car le pays peut s’appuyer sur les autres béquilles que sont notamment l’économie américaine, toujours vigoureuse, et une consommation intérieure qui ne fléchit pas. Mais force est d’admettre qu’une absence d’impulsion venant de l’autre côté du Rhin pourrait bien ternir le tableau helvétique.
UNE INFLATION LARGEMENT SOUS CONTRÔLE
L’excellente nouvelle de la fin 2023 a été la faiblesse de l’inflation. Depuis février dernier, les indices de prix reculent sans discontinuer et, durant l’été, sont même passés sous la barre des 2% (1,4% en novembre). La Banque nationale suisse (BNS) a ainsi réussi son combat contre l’inflation et peut se targuer d’être, à ce jour, la seule banque centrale d’importance à avoir rempli son contrat. Quelques petites embûches, à l’image de la hausse des tarifs d’électricité, de la TVA, des transports et des loyers, pourraient malgré tout alimenter l’inflation en début d’année 2024, mais ces phénomènes seront provisoires et de faible ampleur. Si nous craignions, il y a encore peu, que la hausse du taux hypothécaire de référence applicable aux contrats de bail ait un impact important sur les loyers, qui comptent pour près de 20% dans le calcul de l’inflation, cela n’a pas été le cas. De fait, la première hausse décidée en juin n’a eu que très peu d’incidence sur les loyers, moins de 2%, et quand bien même une deuxième hausse vient d’intervenir en décembre, elle ne devrait que très provisoirement et modestement impacter les indices de prix. Ainsi, nous pensons que la BNS en a bel et bien fini avec son resserrement monétaire, comme l’atteste sa réunion de décembre, et de premières baisses de taux, dans un contexte de croissance molle, sont même attendues pour 2024.
Graphique 2: La BNS a réussi son combat contre la hausse des prix
UN CONSOMMATEUR AFFAIBLI MAIS PAS VAINCU
Depuis plus de deux ans, la consommation intérieure joue un rôle de locomotive dans la croissance suisse, sa vigueur permettant de compenser d’autres faiblesses. Cette bonne santé du consommateur est le fruit d’un marché de l’emploi particulièrement dynamique et du surplus d’épargne accumulé pendant la pandémie. Mais face à des entreprises qui, selon les dernières enquêtes, se disent prêtes à diminuer leurs effectifs dans les prochains mois, et à un pouvoir d’achat qui s’érode, l’économie peut-elle encore compter sur ce soutien? Ce que l’on peut dire, c’est que la politique restrictive de la BNS a eu moins d’effets négatifs qu’escomptés et que le tour de vis semble désormais bel et bien derrière nous. De plus, grâce à un renchérissement qui s’atténue, une très légère progression des salaires réels peut être attendue pour 2024 (+2,1% en termes nominaux selon le KOF, soit au-dessus de l’inflation estimée). Si les entreprises de manière générale sont plus nombreuses qu’auparavant à envisager des suppressions de postes, l’ampleur de ces coupes devrait être freinée par la difficulté à recruter qui est certes moins sévère qu’il y a quelques mois mais toujours présente. Ce phénomène pourrait être encore accentué par des vagues importantes de départs à la retraite. A tous ces facteurs de soutien à la consommation, on peut encore ajouter celui d’une croissance démographique supérieure à la moyenne en Suisse grâce à l’immigration. Le tableau n’est pas complétement rose pour autant et la très conséquente augmentation des primes d’assurance maladie en 2024 (+9% contre +3% en moyenne pour les 20 dernières années) risque de peser sur la demande intérieure. Selon les estimations d’UBS, le revenu disponible des ménages pourrait être rogné de quelques 0,5%. Même affaibli, le consommateur devrait malgré tout continuer d’apporter une contribution positive à la croissance du pays.
LA FORCE DU FRANC ET LES MARGES DES ENTREPRISES
On le sait, la force de la monnaie helvétique par rapport à celles de ses principes partenaires commerciaux est un phénomène quasi constant dans l’histoire économique. Pour autant, la rapidité avec laquelle le franc suisse a joué le rôle de valeur refuge depuis deux ans a constitué un véritable casse-tête pour les sociétés exportatrices suisses. S’il faut reconnaître que cette appréciation a aidé le pays à contenir la hausse des prix importés et que la valeur du franc mesurée en parité du pouvoir d’achat n’est pas aussi élevée qu’en termes nominaux, compte tenu du niveau d’inflation comparativement faible, l’effet sur les marges bénéficiaires n’est pas anodin. Surtout quand il s’agit des petites et moyennes entreprises, moins susceptibles d’avoir des «protections» naturelles et dont les coûts en francs suisses sont disproportionnés par rapport aux revenus. Si la grande force des entreprises helvétiques est leur capacité à contourner ce problème à terme par des gains de productivité et une innovation constante, permettant de justifier des prix plus élevés, cela a sans doute freiné la performance des actions suisses en 2023. Et quand bien même le franc suisse devrait rester structurellement fort, on peut imaginer que, dans un contexte d’inflation maîtrisée où la BNS n’aura plus besoin de procéder à des rachats massifs pour soutenir la devise, 2024 devrait amener un peu de soulagement aux bénéfices des sociétés suisses, ce qui ne manquera pas d’influencer positivement leur cours de bourse.
Source : Allnews.
Comment investir en 2024, l’année du funambuleCette année, les banques centrales devront continuer à ralentir l’économie pour abaisser
l’inflation, mais sans anéantir la croissance; 2024 sera aussi marquée par une multitude
d’élections, de Taïwan aux Etats-Unis
Alternance, leadership, dragon et funambule. Ce sont les quatre mots choisis pour résumer les enjeux de 2024 par les quatre spécialistes des investissements que Le Temps a conviés à sa traditionnelle table ronde de début d’année. Si le début de l’année est marqué par un très fort optimisme de la part des investisseurs, les défis restent nombreux: la Réserve fédérale américaine devra réussir un atterrissage en douceur, la Chine ne joue plus son rôle de moteur de l’économie mondiale et l’Allemagne reste un problème, avec des conséquences négatives pour les entreprises suisses.
Tour d’horizon pour bien commencer l’année
Quel mot caractérisera l’année 2024 selon vous, et pourquoi?
Sébastien Gyger, stratégiste financier à la Banque cantonale vaudoise (BCV): Alternance. Une alternance sur les aspects économiques tout d’abord, entre espoir de soft landing, qui est notre scénario central, et crainte d’atterrissage plus brutal, en particulier sur l’économie américaine. On garde à l’esprit le risque que les hausses de taux n’aient pas encore déployé tous leurs effets sur l’économie américaine. Alternance aussi en matière politique: la moitié de la population mondiale passe aux urnes en 2024, entre l’importante élection à Taïwan le 13 janvier et l’élection présidentielle américaine de novembre. Alternance enfin au niveau des taux d’intérêt. Les grandes banques centrales ont commencé à évoquer un pivot en 2024, avec la Réserve fédérale américaine qui pourrait commencer à baisser ses taux avant la Banque centrale européenne.
Nicolas Mougeot, responsable de la stratégie d’investissement et de la durabilité, Indosuez Wealth Management: Leadership. En matière politique, avec ces nombreuses élections, mais aussi sur les marchés, qui ont été poussés l’an dernier par les Magnificent Seven, ces sept grandes sociétés technologiques [Alphabet, Apple, Amazon, Meta, Microsoft, Nvidia et Tesla, ndlr]. Ce qui est assez intéressant, c’est que la diversification a relativement peu payé en 2023, ceux qui étaient bien placés ont pris toute la performance. Leadership sur les banques centrales, aussi: 2024 sera une année très importante en termes de communication pour les banques centrales, qui feront très attention à la manière dont elles communiqueront leurs messages.
Florian Marini, responsable des investissements et gérant de fonds chez Bruellan: Dragon, car c’est l’année du Dragon en Chine, ce qui est traditionnellement associé à beaucoup d’instabilité, de volatilité, d’opportunités et de défis économiques. Il faut ralentir l’économie suffisamment pour que l’inflation continue à baisser, mais sans étouffer la croissance et provoquer un atterrissage d’urgence. L’autre défi des banques centrales concerne le higher for longer [la perspective d’avoir des taux d’intérêt élevés pendant longtemps, ndlr]. Il ne faudra pas que ce soit trop haut, ni trop longtemps. Mais, heureusement, les récentes communications des banques centrales montrent que cette situation pourrait durer moins longtemps que prévu.
Alexandre Tavazzi, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management: Funambule. Les investisseurs vont devoir marcher sur une ligne très étroite entre soft landing et récession, entre les bénéfices des entreprises qui vont augmenter ou pas, entre des politiques monétaires qui pourraient être relâchées trop tôt ou pas, alors que le marché de l’emploi reste tendu. Autre élément important, l’effet de la remontée des taux sur le refinancement des entreprises. Les besoins seront accrus en 2024-2025, c’est ce qu’on appelle le mur de refinancement. Mais, souvent, les entreprises entament ce processus 12 à 18 mois avant l’échéance effective de leurs obligations. Les refinancements vont se faire à des taux d’intérêt sensiblement plus élevés que la dernière fois, ce qui aura un impact sur la situation financière des entreprises.
F. M.: L’année 2024 commence dans une atmosphère complètement différente par rapport à début 2023. Il y a un an, le pessimisme était de rigueur, alors qu’actuellement, on constate une certaine complaisance, surtout de la part des investisseurs. Mais les défis restent importants, avec la Russie qui va augmenter ses dépenses militaires de 70% face à une coalition qui a de la peine à être unie et à avoir un budget solide. Par ailleurs, une élection de Donald Trump en novembre poserait beaucoup d’interrogations et crée d’ici là beaucoup d’incertitudes.
Justement, comment expliquez-vous cet optimisme des investisseurs depuis le mois de novembre, qui a été très porteur
pour les marchés?
S. G.: Il faut se souvenir que le niveau de crainte et de pessimisme était critique fin octobre. Les taux américains à dix ans avaient dépassé la barre des 5%, les résultats d’entreprises avaient été plutôt moyens, et la guerre entre Hamas et Israël n’a pas aidé les investisseurs à reprendre confiance. Ensuite, on a eu la conjonction de plusieurs éléments. Les investisseurs se sont rendu compte qu’il n’y avait pas de régionalisation du conflit, et donc pas de crainte de contamination via le prix du pétrole et le taux à 10 ans américain. Finalement, les derniers discours de Jerome Powell ont conduit à la détente des taux. Cela a débouché sur un mois de novembre extraordinaire, et décembre a continué sur cette lancée.
N. M.: Les actions avaient aussi fortement baissé de juillet jusqu’à octobre, du fait de la hausse des taux. Puis la saison des résultats n’a pas été si mauvaise que cela. On s’attendait à une contraction des résultats mais, aux Etats-Unis, les bénéfices ont progressé de 4 à 5% au troisième trimestre, ou même de plus de 10% si l’on enlève les entreprises du secteur de l’énergie. Pour l’année prochaine, le défi des entreprises sera de conserver les marges qu’elles ont réussi à se construire sur ces deux ou trois dernières années, notamment en Europe. Les niveaux de marge sont historiquement élevés, même si on a moins de revenus. Mais on a des profits, des marges de profit qui sont plus élevées.
F. M.: Cela fait quelques trimestres qu’on dit que les marges vont s’éroder, mais cela ne se produit pas en réalité, car les entreprises ont réussi à passer l’inflation aux consommateurs. La diminution au niveau du volume a pu être compensée par le prix. Maintenant, la marge de manœuvre des entreprises va être plus limitée et elles ne pourront plus faire passer l’inflation comme auparavant. Avec l’érosion des marges qui en découle, une croissance bénéficiaire à deux chiffres nous paraît exclue. On atteindra peut-être 5%, ce qui est assez faible finalement. Mais tant que les taux sont à la baisse, c’est quelque chose qui soutient les marchés.
A. T.: La difficulté pour 2024 sera du côté de la croissance nominale de l’économie. Les entreprises devront effectuer des choix. Si elles décident de conserver leurs marges, où vont-elles économiser? Probablement pas en licenciant: après avoir passé des mois à chercher des collaborateurs, elles savent que si elles licencient, elles ne retrouveront pas de personnel ensuite. Reste alors des économies sur des investissements. Par ailleurs, contrairement à 2023, les entreprises ne bénéficieront plus cette année de la manne du tourisme et des services. Donc une progression des bénéfices de 10 à 11%, comme le prévoit le consensus, nous paraît beaucoup trop élevée par rapport à la réalité des entreprises.
Quelles sont vos prévisions de croissance pour 2024?
A. T.: Nous prévoyons 7% de croissance des bénéfices aux Etats-Unis et 4% en Europe. Pour le PIB, nous nous attendons en moyenne à 0,8% de croissance réelle aux Etats-Unis et à 0,6% en Europe. C’est donc un fort ralentissement aux Etats-Unis
N. M.: Nous sommes un peu au-dessus pour les Etats-Unis, à 1,3%. Jusque-là, la consommation américaine a été très résiliente, grâce à l’épargne excédentaire construite pendant la période du covid, qui dépassait probablement 2000 milliards de dollars en début d’année. Différentes études l’estiment à 500 milliards actuellement et toutes s’accordent sur le fait que ce montant baisse. Le problème, en 2024, sera de savoir pendant combien de temps le consommateur américain va pouvoir continuer à soutenir la croissance.
S. G.: J’ai l’impression qu’on peut se réjouir que cette épargne baisse. Il sera peut-être plus commode pour les banques centrales de gérer l’inflation et la croissance, car il y aura moins de surchauffe.
F. M.: Cette baisse de l’épargne pourrait être compensée par le recul de l’inflation, qui va augmenter le revenu réel du consommateur. Un autre élément à considérer, à mon avis, est la profonde récession qui touche le secteur manufacturier dans la plupart des pays, après 27 mois de décélération de l’activité. En Allemagne, des indicateurs ont atteint les niveaux qui n’avaient plus été expérimentés depuis 1980, à l’exception de 2008 et de 2020, qui ont été deux crises particulières. On peut escompter une certaine reprise de l’activité manufacturière, qui est très cyclique. Les carnets de commandes commencent à s’améliorer aux Etats-Unis, les exportations de la Corée du Sud vers le reste du monde se sont reprises un peu après 18 mois de contraction. Donc certains facteurs pourraient soutenir l’économie.
A quoi vous attendez-vous pour l’Europe en 2024?
A. T.: L’Europe a un gros problème: l’Allemagne, qui multiplie les difficultés. Son problème manufacturier est en train de se stabiliser, mais le pays a aussi un gros problème budgétaire, les tribunaux ayant décidé que le gouvernement ne pouvait pas utiliser pour la transition écologique les 60 milliards initialement destinés à amortir l’impact économique du covid. Enfin, son principal partenaire commercial, la Chine, connaît une croissance atone. L’Allemagne et la France vont peser sur la croissance en zone euro, même si les pays qui posaient problème il y a dix ans sont ceux qui s’en sortent le mieux aujourd’hui. Cela pourrait être un problème pour la BCE à un moment donné: si les Etats-Unis commencent à clairement indiquer qu’ils font leur pivot, sa situation deviendra difficilement tenable.
Donc que devra faire la BCE dans ce cas-là?
A. T.: Probablement suivre relativement rapidement les Etats Unis, pour ne pas avoir un euro qui monte trop. La BCE n’a pas encore communiqué dans ce sens, mais visiblement les indicateurs vont dans la direction d’un assouplissement monétaire. Nous avions prévu que le risque d’une baisse plus rapide des taux d’intérêt était plus en Europe qu’aux Etats-Unis. Mais cela s’est inversé mi-décembre avec le pivot de Powell.
A propos de ce pivot, la Fed peut-elle vraiment baisser ses taux alors que le chômage est historiquement bas aux Etats-Unis?
N. M.: Abaisser rapidement les taux alors que le taux de chômage est inférieur à 4% risquerait de relancer l’économie, d’alimenter la surchauffe et donc de relancer l’inflation. Aujourd’hui, le marché anticipe des baisses de taux en avril, voire en mars. Cela semble très tôt et ça me paraît très difficile sans une vraie contraction de l’économie.
S. G.: Je suis d’accord, il est rare d’avoir une baisse de taux quand on a aussi peu de chômage et quand le chiffre de l’inflation de base [hors énergie et alimentation, ndlr] est supérieur au taux de chômage.
N. M.: La Fed n’aime généralement pas agir à proximité des élections présidentielles, pour ne pas interférer, même si ce n’est pas systématique. Cela pourrait la pousser à baisser ses taux plus tôt, de manière préventive en quelque sorte, pour éviter de le faire pendant la période électorale. Par ailleurs, les taux ne vont probablement pas revenir à zéro ou à 1%, on se dirige plutôt vers un scénario des années 1990, avec une baisse de 50 à 75 points de base. Dernier point, je pense qu’à la réunion de décembre, Jerome Powell a voulu éviter celle de décembre 2018, lorsque la dernière réunion de la Fed avait été suivie d’une très forte baisse du marché actions. C’est pourquoi cette fois il est allé dans le sens du marché, avec un message dovish [qui indique une politique accommodante, une baisse des taux, ndlr]. Mais maintenant, les investisseurs ont ça en tête et tout message qui indiquera que la première baisse des taux sera repoussée pourrait faire reculer un peu le marché. La communication de la Fed sera un élément déterminant.
F. M.: Nous avons une vue optimiste sur l’ensemble de l’année mais il y aura de la volatilité et il est très probable que cela se traduise au premier trimestre par une correction de marché. L’environnement poussera probablement à acheter sur faiblesse.
S. G.: Mais nous ne nous dirigeons pas forcément vers une récession sévère. En Europe, 2023 a été une année blanche pour la croissance et on peut faire un petit peu mieux en 2024. Cette lueur d’espoir sur l’Europe et potentiellement la Chine est permise.
F. M.: On parlait d’optimiste excessif par rapport au marché en début d’année, mais la Chine fait au contraire l’objet d’un pessimisme excessif. Personne ne veut y investir, mais on voit quand même de timides signes d’amélioration. Les exportations de la Corée du Sud et de Taïwan vers la Chine viennent de recommencer à progresser après 18 mois de contraction. Bien sûr, les incertitudes immobilières vont perdurer et le grand programme de stimulation monétaire ou économique ne viendra pas car, malgré une inflation basse, Pékin veut surtout contrôler le yuan. Par contre, il est possible d’acheter des sociétés européennes qui pourraient bénéficier d’une éventuelle reprise chinoise.
L’inflation a beaucoup reculé des deux côtés de l’Atlantique mais demeure supérieure aux 2% visés par les banques
centrales. On parle souvent du «last mile», de la dernière phase de baisse à obtenir, qui serait plus difficile à concrétiser.
Qu’en pensez-vous?
N. M.: Je ne crois pas. Les deux facteurs qui ont alimenté l’inflation ont été les politiques fiscales très accommodantes et les tensions sur les chaînes d’approvisionnement à la suite du covid. Or ces deux facteurs ne sont plus d’actualité et, comme on l’a dit, le consommateur a moins d’épargne excédentaire, donc l’inflation n’est plus un problème. D’ailleurs, on a vu en fait de la désinflation. L’inflation de base devrait avoir été autour de 3,1 3,2% fin 2023 et devrait approcher 2,4-2,5% cette année, des niveaux gérables pour une banque centrale.
F. M.: La dernière partie de l’inflation qui prend plus de temps à descendre concerne les services, en lien avec les salaires et le logement. Or les indicateurs montrent qu’une baisse est à venir. Les sociétés ont des problèmes sur leurs marges, elles ne vont certainement pas augmenter les salaires. L’inflation des salaires et des logements va baisser.
S. G.: L’inflation n’est plus tellement un sujet; en 2024, le thème sera la trajectoire de la croissance.
Et la globalisation/déglobalisation, c’est encore un sujet?
A. T.: La réalité des entreprises est qu’elles ont besoin de s’assurer des chaînes de sous-traitants qui soient résilientes. Les entreprises qui opèrent en Chine nous disent qu’elles gardent dans le pays la production qui est destinée au marché chinois, mais pour le reste, elles cherchent à pouvoir produire ailleurs. Certaines usines sont relocalisées en Europe, notamment en Europe de l’Est. Des pays asiatiques reçoivent davantage de nouvelles installations d’usine qu’ils n’en perdent.
Quels sont les effets de ces mouvements sur la croissance mondiale ou l’inflation?
A. T.: Il s’agit d’investissements, qui pèsent donc sur les marges. En outre, les entreprises ont structurellement davantage de stock, ce qui représente un coût. Par ailleurs, si une entreprise délocalise dans des régions un peu plus chères en termes de main-d’œuvre, elles peuvent économiser en termes de transport. Du point de vue logistique, d’ailleurs, tout est beaucoup plus compliqué pour tout le monde.
S. G.: On observe du reshoring ou du friendshoring: les entreprises se relocalisent dans les pays amis ou qui font partie d’alliances. Les Etats-Unis relocalisent au Mexique et en Europe de l’Est. Les pays les plus touchés sont les pays émergents car ils reçoivent moins d’investissements et ont moins de capitaux à disposition pour leur développement économique et industriel. C’est aussi vrai pour la Chine: beaucoup d’entreprises étrangères sont en train de réviser leurs investissements, voire de basculer sur d’autres régions.
N. M.: Mais globalement, on n’a pas eu un phénomène de déglobalisation. Les échanges commerciaux entre les EtatsUnis et la Chine se sont stabilisés, ils n’ont pas fortement reculé. La Chine ne va pas profiter de ces tendances, au contraire de l’Asie du Sud-Est, du Mexique, et certainement d’autres pays d’Amérique latine. La globalisation s’est arrêtée il y a cinq ou six ans, avant la période covid. On voit maintenant que la géopolitique entre dans la globalisation. La plupart des entreprises se posent la question à deux fois avant d’aller investir dans des pays d’Europe de l’Est qui peuvent être trop proches de la Russie. Il reste l’Inde, l’Asie du Sud-Est, la Corée du Sud, Taïwan, le Japon.
F. M.: Cette relocalisation plutôt domestique débouche aussi sur beaucoup plus d’automatisation. Le principal coût reste le salarié, qui peut en plus tomber malade. On a appris après le covid qu’une machine est beaucoup plus fiable. Donc les entreprises automatisent beaucoup, y compris en Suisse. J’ai visité Emmi, l’ensemble de la société est automatisé, avec des opérateurs derrière des machines. Quel sera l’effet final de ce mouvement d’automatisation? Pas sûr que ce soit une augmentation de l’inflation ou une diminution des marges.
Que prévoyez-vous pour l’économie suisse en 2024?
F. Marini: Etant très dépendant de ses partenaires commerciaux, le pays va croître à partir du moment où l’Allemagne se reprendra. Mais en attendant, ça va être compliqué pour les entreprises suisses.
F. M.: Le marché actions a livré un message intéressant en 2023. Dans un environnement global très instable, on aurait pu penser que la Suisse en bénéficierait, avec ses entreprises peu endettées et des secteurs de la santé et de la consommation courante surreprésentés dans les indices. Mais, finalement, la performance des indices suisses a été mauvaise l’an dernier. Car trois quarts des entreprises – les petites et moyennes capitalisations essentiellement – sont très sensibles au cycle économique. Donc si l’on prévoit un retour du cycle manufacturier en 2024, la Suisse est un investissement intéressant. Aussi parce que les valorisations des small caps et des mid caps sont beaucoup plus attractives maintenant.
N. M.: Il ne faut pas oublier la résilience de l’économie suisse. Avec le franc fort, la Chine et l’Allemagne qui sont mal en point, on aurait pu avoir un scénario beaucoup plus noir début 2023. Surtout si on avait ajouté la chute d’une grande banque… Mais la Suisse est quand même un vrai pays résilient.
F. M.: Nous avons aussi peut-être eu l’avantage que beaucoup de nos sociétés concurrentes sont européennes. Les produits suisses ont été plus chers que les produits européens à cause du franc fort, mais cela a été compensé par l’inflation plus basse en Suisse. Le taux de change réel a été assez stable, c’est une chance pour les exportateurs.
A. T.: L’an dernier, les entreprises suisses ont pu augmenter leurs tarifs car la hausse des prix était forte en Europe, mais à partir du moment où le différentiel d’inflation se tasse, elles devront se poser la question des marges.
S. G.: Le franc va déterminer une partie de la trajectoire économique en Suisse, surtout pour la partie industrielle, très exportatrice. En outre, après des performances mitigées, les secteurs de la consommation de base et de la santé pourraient revenir en grâce, de même que les bancaires, grâce à la pentification de la courbe des taux.
F. M.: On parle toujours du franc comme d’une épée de Damoclès pour les entreprises suisses, mais il les a aussi poussées à innover et à rester compétitives.
Quelles idées fortes avez-vous sur le plan des investissements pour 2024?
S. G.: Après les très bonnes performances des indices actions américains en 2023, un dollar plus faible aura tendance à favoriser d’autres marchés, en Europe et dans les pays émergents. Si Donald Trump et les républicains sont élus en novembre, cela affaiblira certainement le dollar pour les années à venir. Cela conduirait à une redistribution bienvenue de la contribution des différents marchés à la performance.
A. T.: Oui, surtout si le secteur manufacturier se reprend. On n’a plus besoin d’aller se réfugier dans des titres à forte croissance. Depuis fin novembre, on a vu une reprise absolument spectaculaire des petites capitalisations. Si on a une amélioration conjoncturelle avec des baisses de taux d’intérêt, ces sociétés offrent le plus de valeur. Cela signifie donc de sortir des indices, pour se concentrer sur quelques segments du marché. Chacun peut avoir son opinion sur les Magnificent Seven, mais on peut trouver des opportunités d’investissement ailleurs.
N. M.: La santé devrait aussi bien performer. Le secteur a connu une croissance de 8 à 9% par an sur vingt ans jusqu’en 2019, puis le covid a accéléré cette expansion, avant un net ralentissement. Les années 2021-2022 ont vu un ajustement des sociétés pharmaceutiques qui avaient fait beaucoup d’investissement sur le plan du covid. Les valorisations sont attractives et c’est un secteur qui marche bien quand l’économie ralentit. Enfin, l’obésité va continuer à être une grande thématique.
F. M.: La Suisse nous intéresse beaucoup, en achetant deux choses très di$érentes. D’une part, pour la partie plus défensive, les secteurs de la consommation courante et de la santé. De l’autre, tout le segment des mid caps, qui va bénéficier du cycle manufacturier et de la baisse des taux. N’oublions pas les petites capitalisations européennes, qui affichent elles aussi des valorisations intéressantes. Mais plutôt que se positionner sur une région particulière, nous privilégions le stock picking.
N. M.: On assistera aussi peut-être au retour de la thématique des énergies renouvelables, qui ont fortement souffert du fait de la hausse des taux car ce sont souvent des sociétés assez endettées et des petites ou moyennes capitalisations. L’élection présidentielle représente un point d’interrogation pour ces entreprises, avec la perspective que les républicains coupent dans les subventions. Mais, d’un autre côté, les politiques fiscales qui étaient assez pro-énergie renouvelable par Joe Biden n’ont pas fortement aidé ce segment. On ne verra donc pas nécessairement l’inverse avec une élection de Donald Trump.
S. G.: La difficulté avec les renouvelables, c’est que les gouvernements sont bloqués au niveau de la dépense, surtout aux Etats-Unis qui ont accumulé un déficit considérable depuis deux mandats. Le pays aurait potentiellement davantage de marge de manœuvre sur la collecte de l’impôt puisque l’impôt sur les sociétés y est faible, mais les politiciens ne sont pas dans une logique d’augmenter les revenus. Ils essaient de gérer les dépenses, sur l’éducation, la défense, la santé et, en dessus de ça, il y a encore les dépenses liées à la transition énergétique. Le business model de beaucoup des sociétésde ce secteur fonctionne bien avec des taux d’intérêt à zéro, mais beaucoup moins bien à 4 à 5%.
N. M.: En conséquence, dans cette thématique, on va préférer des sociétés de taille moyenne à grande qui sont déjà sur d’autres activités comme Air Liquide sur l’hydrogène ou Enel pour les énergies renouvelables. Plutôt que des petites sociétés vraiment spécialisées, qui risquent d’avoir énormément de mal. Il faut bénéficier d’une certaine capacité financière pour faire face à une transition énergétique qui va encore durer 10, 20 ou 30 ans.
A. T.: Il ne faut pas négliger les obligations qui ont fait un retour en force dans les portefeuilles en 2023 et ont contribué à la performance. Un des challenges sera de gérer les obligations de façon active, que ce soit au niveau des entreprises ou des Etats. Vu le stock de dette accumulé pendant le covid et le fait que les banques centrales disent qu’elles veulent se retirer des marchés financiers en abaissant la taille de leur bilan, quand on veut traiter les obligations, c’est compliqué.
S. G.: Dans l’obligataire, nous privilégions aussi la qualité, avec du haut rendement en complément.
N. M.: Nous gardons une préférence sur la partie Investment Grade, car on a quand même un ralentissement économique. Aujourd’hui, les rendements sont attractifs et permettent de battre l’inflation, d’avoir du rendement et de bénéficier aussi d’une certaine protection.
A. T.: L’affaiblissement du dollar rend la dette émergente en monnaies locales très intéressante aussi. On parle de banques centrales qui ont fait face à l’inflation 6 à 12 mois avant les banques des pays développées et sont en train d’évoluer maintenant vers un cycle d’assouplissement.
Source : Le Temps.
2024: entre défis géopolitiques et opportunités d’investissementAlors que les principales banques centrales continuent de tracer le chemin vers la désinflation, leur stratégie semble s’orienter vers une période plus courte de «taux d’intérêt durablement élevés».
Ces dernières années ont été marquées par une forte instabilité teintée d’incertitudes, tendance qui devrait perdurer en 2024. La Russie, qui prévoit d’accroître son budget militaire de 70%, semble se préparer à un conflit prolongé en Ukraine. Cette escalade, qui s’inscrit dans un contexte de fragmentation du soutien occidental, est préoccupante. Au Moyen-Orient, bien que la forte présence militaire américaine ait jusqu’ici empêché un élargissement de la guerre entre Israël et le Hamas, la stabilité de long terme reste précaire. Les États-Unis, pleinement occupés jusqu’à peu à lutter contre l’ascension économique et militaire de la Chine, voient aujourd’hui leurs ressources mises à rude épreuve, vu les multiples fronts qui se sont ouverts. Et l’élection potentielle de Donald Trump à la Maison Blanche pourrait encore intensifier cette dynamique géopolitique complexe.Mais si cette instabilité est peut-être en passe de devenir la «nouvelle normalité», elle n’a pas modifié et ne va pas substantiellement modifier nos perspectives macroéconomiques, si ce n’est de suggérer une probable augmentation des dépenses publiques et une inflation de long terme durablement plus élevée.
Pour 2023, notre principe directeur consistait à anticiper une baisse marquée des pressions inflationnistes, ce qui, de notre point de vue, soutiendrait les marchés boursiers. À l’aube du premier semestre 2024, nos vues en matière d’inflation restent les mêmes. La majorité des impacts inflationnistes qui ont découlé des fermetures liées au COVID-19, en particulier les tensions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, se sont largement normalisés. En outre, l’inflation provenant des matières premières est actuellement en phase d’atténuation. Et même dans les domaines où l’inflation s’avère la plus persistante – à savoir l’inflation des services, en particulier les coûts du logement et la croissance salariale – les indicateurs avancés signalent désormais une détente potentielle en 2024.
Le COVID-19 a entraîné une désynchronisation partielle des cycles de croissance de l’industrie manufacturière et des services. Le secteur manufacturier a commencé à décélérer au deuxième trimestre 2021, avant de tomber en profonde récession au troisième trimestre 2022, une tendance qui s’est maintenue depuis lors (en particulier en Europe). Ce ralentissement de l’activité manufacturière a toutefois été partiellement compensé par la résilience du secteur des services.
A l’heure de se tourner vers le premier semestre 2024, nos projections sont plus optimistes. Si nous anticipons une performance relativement modérée des services, le secteur manufacturier nous paraît mur pour un rebond significatif. Cette prévision s’appuie sur des tendances historiques, qui suggèrent que les directeurs d’achat font souvent preuve d’un pessimisme excessif lors des tournants cycliques. Leur niveau de pessimisme actuel est comparable à celui observé lors de chacune des récessions qui est survenue depuis les années 1980, à l’exception notable de la grande crise financière et de la pandémie de COVID-19.
En outre, les évolutions conjoncturelles tendent à afficher une cyclicité, en particulier dans le secteur manufacturier. En règle générale, un cycle complet s’étend sur environ 11 trimestres. Sur cette base, nous prévoyons le démarrage d’un nouveau cycle vers la fin 2023, conduisant à une résurgence potentielle de l’industrie manufacturière tout au long de l’année 2024.
Graphique 1. ISM manufacturier (indicateur lissé) et cycle économique
Une reprise en début d’année 2024 est probable.
En Chine, le rebond économique postpandémique s’est avéré plus modéré que prévu, avec d’importantes mesures de relance toujours en suspens malgré la désinflation observée du côté des consommateurs et des producteurs. Les autorités effectuent une pesée d’intérêts entre ces facteurs et la nécessité de contrer la dépréciation de la devise. L’évolution des exportations de Taïwan et de la Corée du Sud vers la Chine est un indicateur clé de la trajectoire économique du pays. Après avoir stagné en territoire négatif pendant 18 mois, elles ont retrouvé depuis peu une croissance positive, ce qui laisse présager une reprise de l’activité économique en Chine. Avec une croissance du PIB aujourd’hui estimée à environ 4,5%, cette évolution récente permet un optimisme prudent pour l’économie chinoise.
Alors que les principales banques centrales continuent de tracer le chemin vers la désinflation, leur stratégie semble s’orienter vers une période plus courte de «taux d’intérêt durablement élevés», avec des baisses de taux qui devraient être initiées au cours du deuxième ou du troisième trimestre 2024. Les investisseurs tablent actuellement sur une première baisse des taux par la Banque centrale européenne (BCE) en avril, suivie par la Réserve fédérale (Fed) en mai. Un tel revirement de la politique monétaire devrait être accueilli favorablement par les marchés financiers.
Sur le plan de la valorisation, les actions peuvent ne pas sembler particulièrement intéressantes. L’indice MSCI World se négocie actuellement à un ratio cours/bénéfices à terme de 17x, au-dessus de sa moyenne à long terme de 15x. Cela dit, des attentes de taux d’intérêt moindres renforcent l’attrait des actions, en augmentant la valeur actuelle des bénéfices futurs. Par ailleurs, comme déjà évoqué, nous anticipons un rebond à moyen terme de l’activité manufacturière qui, historiquement, est fortement corrélée à la croissance des bénéfices. Nous tablons donc sur une croissance bénéficiaire qui pourrait approcher les 10%. Et même dans l’hypothèse de bénéfices stables, la baisse des taux d’intérêt attendue devrait servir de catalyseur à une hausse des cours boursiers.
En conclusion, contrairement aux attentes largement répandues d’une récession en début d’année 2024, nous prévoyons une reprise du secteur manufacturier, en particulier en Europe. Ce rebond devrait soutenir l’économie dans son ensemble, en compensant les faiblesses potentielles du côté des services. Nous nous attendons à une poursuite du recul de l’inflation au cours des prochains mois, ce qui soutiendra des politiques plus accommodantes des banques centrales. Cette toile de fond, conjuguant croissance modeste des bénéfices par action (BPA) et taux d’intérêt plus bas, devrait être porteuse pour les marchés actions durant le premier semestre 2024.
À horizon plus long, nous resterons attentifs à l’éventualité d’une deuxième vague d’inflation, répercussion du choc mondial de l’offre survenu en 2020.
Source : Allnews.