Les sociétés familiales suisses chahutées par le marché

Par Anick Baud

Alors que l’été se termine et l’automne s’installe, la Suisse frémit en songeant aux prochains mois. Il faut dire que ce ne sont pas les sources d’inquiétudes qui manquent et l’investisseur, comme à bord d’un train fantôme, voit défiler devant lui le catalogue du pire : inflation galopante, remontée des taux, crise de l’énergie et sa litanie de pénuries, risque de récession, incessante dégringolade des actions, etc. Il devient ainsi bien difficile de garder le cap et de ne pas céder aux sirènes de l’apocalypse.

Dans ce contexte de morosité et d’extrême tension, le marché des actions suisses n’est pas épargné et l’indice global suisse (SPI) a ainsi, en cette fin septembre, effacé deux ans de performance pour se retrouver au niveau de décembre 2020.

La situation est encore plus difficile pour les sociétés familiales suisses cotées et le fonds, de son côté, après avoir atteint un sommet en décembre dernier, a effacé l’ensemble des gains accumulés depuis son lancement en mai 2020. La situation actuelle mérite-t-elle une telle baisse ?

Il est vrai que les entreprises suisses font face actuellement à un certain nombre d’écueils qui ne peuvent être ignorés.

En effet, la force de leur modèle d’affaires et leur positionnement unique leur permettent d’envisager des hausses de prix continues sans que cela n’influe sur la demande pour leurs produits. Elles sont en outre toutes suffisamment solides financièrement pour affronter plusieurs mois d’absence de croissance ou de récession. Quant à la force du franc, même si ce n’est jamais une bonne nouvelle, nos entreprises en ont l’habitude et le différentiel d’inflation entre la Suisse et le reste du monde augmentent en réalité leur positionnement compétitif.

La principale inconnue reste, en ce début d’automne, l’approvisionnement en énergie. Si la faible visibilité à ce propos complique nos anticipations, les entreprises en portefeuille ont pris un certain nombre de mesures et transmettent un message rassurant sur le sujet. Comme nous le confiait la direction de Bobst il y a quelques semaines, ils ont acheté de brûleurs à mazout pour remplacer le gaz. D’autres entreprises, à l’image de Sika ou SFS ont investi fortement ces dernières années dans le renouvelable qui constitue une part non négligeable de leur mix énergétique (20%). Certaines parmi les plus flexibles pourraient par exemple procéder à une délocalisation de production si nécessaire ou à une accélération de la production pour constituer de stocks pour plus tard. Quant à l’explosion du prix de l’électricité, c’est une charge supplémentaire mais qui représente une partie infime de la totalité des leurs coûts et ne devrait donc pas les impacter trop lourdement.

Certains titres que nous détenons, et plus particulièrement parmi les petites et moyennes capitalisations et le secteur industriel, ont connu une baisse de leur cours de plus de 50% depuis le début de l’année. Pour certains, les valorisations ont été divisées par trois, anticipant ainsi une situation de récession marquée. Cette réaction du marché nous semble toutefois exagérée si l’on considère le niveau des entrées de commandes qui atteignent des records.

Quand nous avons lancé notre fonds sur les entreprises familiales suisses au début de la pandémie, nous avions mis en avant leur force financière, leur capacité à rebondir et à faire face à des situations difficiles. Nous sommes plus que jamais convaincus que les qualités de ces perles du tissu économique suisse vont faire la différence à moyen terme.

Les périodes de crise permettent en effet aux meilleures d’entre elles de renforcer leur positionnement concurrentiel face à des compétiteurs plus fragiles, ainsi que nous le confiait récemment le CEO de Belimo. La solidité de leur bilan leur permet de continuer à investir dans l’innovation, pièce maitresse de leur réussite, et minimise l’impact de la hausse des taux sur leurs charges. L’expérience, la stabilité et la vision de long terme de leur management devraient également les protéger de décisions prises de manière intempestive et susceptible de mettre à mal leur modèle d’affaire. Malgré un contexte difficile, le management de Bobst a d’ailleurs décidé de racheter les actions cotées de l’entreprise pour la délister et ainsi la soustraire aux mouvements erratiques d’un marché jugé trop volatile et préoccupé uniquement par le court terme. C’est un sacré gage de confiance dans le modèle d’affaires de leur entreprise

 

Source: Bucher

Nous sommes ainsi plus que jamais convaincus qu’une fois la situation éclaircie sur le front économique, ces valeurs rebondiront beaucoup plus fortement. Alors au-delà des difficultés d’aujourd’hui, n’oublions pas que la situation actuelle présente certainement des opportunités sur le long terme.

Anick Baud, Senior Fund Manager